LE ROLE
MECONNU DE LA MARINE PENDANT LA GUERRE D’ALGERIE
La contribution de la Marine aux " évènements d’Algérie " est restée à ce jour, inconnue. Cette guerre n’a pas été marquée par une action navale décisive et la Marine accomplissait déjà à la Toussaint de 1954 nombre de missions que la guerre ne va faire qu’amplifier et rendre plus utiles encore.
Par son découpage administratif en trois départements, l’Algérie est en 1954 un prolongement du territoire métropolitain. Pour la Marine, elle est organisée en deux Commandements de la Marine (COMAR), respectivement établis à ALGER et ORAN. Au Comar Oran, le contre-amiral GELI assume aussi les fonctions de commandant de la Marine en Algérie. Les principales bases sont MERS el- KEBIR près d’Oran, et ALGER ; des points d’appui existent néanmoins à BÔNE, DJIDJELLI, PHILIPEVILLE, BOUGIE, TENES et NEMOURS. Par ailleurs, l’ALGERIE est une pièce maîtresse du système de contrôle stratégique de la méditerranée occidentale par l’Alliance atlantique. La base de Mers el-Kebir et son annexe de Lartigue sont en cours de modernisation grâce à des capitaux, notamment américains (plus de 10 milliards de francs de 1953 au titre du plan d’assistance mutuelle). A terme, avec Bizerte et Toulon, Mers el-Kebir doit détenir l’un des trois pôles stratégiques navals de l’Otan en méditerranée.
En 1954, la marine nationale remplit, en Algérie, des missions bien spécifiques, Il s’agit essentiellement de la surveillance maritime ou Surmar, contrôle traditionnel exercé dans les eaux territoriales constituées par une bande de 3 nautiques sur le littoral de l’Algérie et de la Tunisie, de 6 nautiques sur le littoral du Maroc, distance comptée à partir de la limite des eaux nationales. La Marine assume donc la défense d’un littoral de plus de 1500 km de côtes découpées qui rendent la surveillance d’autant plus ardue. Elle dispose pour cela d’un certain nombre de bâtiments : 3 escorteurs côtiers, 1 patrouilleur et 4 flottilles de l’aéronautique navale. C’est peu, car l’essentiel des moyens de la marine est alors réparti entre l’Indochine (en cours de désengagement) et le théâtre européen.
Les schémas d’intervention de la marine n’ont
pas
évolué depuis l’intervention du croiseur Duguay-Trouin au
large de
Mansourah en mai 1945. Les grands bâtiments doivent dissuader toute
tentative
de révolte et les plus petits surveiller la terre depuis la mer,
débarquer des
troupes et servir de relais de transmission avec les postes côtiers
tenus par
l’armée de terre.
La
prise de conscience de la gravité des évènements est rapide. Dés le 2
novembre 1954, deux hydravions CATALINAS et quatre escorteurs viennent
renforcer
la défense maritime à BÔNE, PHILIPPEVILLE et BOUGIE. La surmar devient
très
rapidement un quadrillage de la côte nord-africaine puis après 1956 et
l’accession au Maroc et de la Tunisie à l’indépendance, de la seule
côte
algérienne. Adoptant une stratégie « d’engagement « du
territoire, la marine cherche en
quelque sorte à établir un ‘troisième barrage’ en surcroît des deux
premiers aux frontières terrestres avec le Maroc et la O0Tunisie. La
situation
aboutit à un développement maximal des forces navales en 1956 :
une
vingtaine de bâtiments légers, escorteurs, patrouilleurs, renforcés par
des
bateaux de pêche réquisitionnés (les lamparos) à l’origine des sections
de
patrouille du littoral. Dans le même temps, la flotte multiplie les
escales en
Algérie. De plus le contre-amiral GELI devient d’ailleurs, le 29
juillet
1955, préfet maritime de la IV éme
Région avec la responsabilité de la surveillance côtières depuis
le
Maroc oriental jusqu’à la frontière tunisienne.
Le système de patrouille navales et aéronavales ne laisse que peut de place à la contrebande d’armes. La zone de visite douanière est ainsi redéfinie comme une bande de 20km au large des cotes tunisiennes et marocaines et jusqu’à 50km au large de l’Algérie. Dans ce périmètre, l’arraisonnement, la visite et le déroutement de tout les bâtiments, français ou étrangers, sont possibles. La suspicion est à la règle : « L’exécutant de la Surmar doit toujours se demander si la position et la route d’un bâtiment sont normales. » Dans cette lutte, l’exploitation rapide du renseignement devient un élément essentiel : la Marine coopère ainsi avec le Service de documentation extérieur et de contre-espionnage(SDECE). Se fondant ainsi sur une information obtenue au Caire, l’aviso Commandant de Pimodan intercepte et déroute, le 16 octobre 1956, sur Nemours, l’Athos chargé à Beyrouth de 70 tonnes d’armes pour le front de libération nationale (FLN).
C’est la première d’une importante série de saisies qui mettent fin partiellement au passage des armes en provenance de l’Egypte, via le Maroc, pour le compte de l’Armée de libération nationale(ALN). Peu de temps après, l’expédition de Suez visera également à interrompre ce trafic d’armes en intervenant à sa source cette fois. Le système est complété par la constitution de deux listes, l’une noire, l’autre rouge des bâtiments particulièrement suspect.
Au total, le tonnage saisi(provenant des Pays de l’Est, du Moyen-Orient, de l’Egypte et de l’Europe Occidentale) représente 1 350 tonnes. C’est le double du bilan obtenu par les forces terrestres en 1959 et 1960, à l’apogée du plan Challes. C’est encore la totalité de l’armement de l’armée de libération nationale à son zénith. Plus que la puissance de feux, ce sont donc les dispositifs d’intersections et de communications par radio qui font la force de la Surmar pour maintenir ce double états de siège de la mer et des côtes et pour empêcher toutes communications illégales entre ses deux mondes. A contrario, tout échec se fait très rapidement sentir sur la frontière… Cependant, la marine doit faire face à l’usure prématurée de ces matérielles conçut pour un combat contre les flotte du pacte de Varsovie et non pour multiplier les tours de gardes au large des côtes algériennes. L’affectation de 20 bateaux à la Surmar est nécessaire pour en maintenir en permanence et avec beaucoup d’ingéniosité dans les réparations 4 en opérations en mer. En débit des désordres occasionnés par la tentatives de Putsch en 1961, la marine poursuit ses opérations de surveillances maritimes : déroutement en Mai du Cargo danois Margot et Hansen chargés de 200 fusils mitrailleurs en république fédérale d’Allemagne, en Septembre du Tigrito panaméen rempli d’armes Espagnoles et, en Décembre, du Karaganda et du Chulym en provenance d’Europe de l’Est. Il ne semble donc pas y avoir eu dans la marine un allègement progressif de l’activité des forces en 1961.
A côté de la Surmar, la marine rempli aussi des missions sur le théâtre terrestre. C’est le cas de l’unité de détection au sol de la marine ou (UDSM) sur la ligne morice (1958-1961) et dans l’Oranais (1961-1962) ou de la demi-brigade des fusiliers marins sur la frontière marocaine (1956-1962).
L’indépendance du Maroc et de la Tunisie a fait de ces deux pays des bases arrière de la rébellion et rendu l’effort « d’encagement » du territoire algérien plus pressant. De ce constat est née l’idée de créer des barrages frontaliers où la technologie suppléerait l’insuffisance des effectifs. Plusieurs réseaux de barbelés, des zones minées, l’électrification d’une partie de plus en plus importante du réseaux de barbelés avec un courant mortel permettent aussi de signaler la tentative de franchissement de la frontière et de retarder les « hors-la-loi » le temps nécessaire à l’intervention des troupes de couverture qui jouent le rôles d’une « herse mobile ». Le succès de cette stratégie sur la frontière tunisienne décide l’état major à procéder à l’électrification complète de la frontière marocaine. Dans ce partit pris technologique, s’insère le recours au radar : l’Unité de détection au sol de la marine, équipée de radars anti-mortiers efficaces jusqu’à 25km contre un piéton, intervient en coordination avec des pièces de 105mm. Le secteur affecté aux 200 hommes de l’Unité de détection au sol de la marine s’étend sur 15km environ de part et d’autre des postes de Soukies et de Ben Moussa. Les missions consistent à assurer une veille optique permanente de jour et une veille radar nocturne, à prendre à partie les échos suspects, à alerter les postes de la « herse mobile » et à guider sur zone les troupes d’intervention. En mai 1960, l’Unité de détection au sol de la marine est transférée dans l’Ouest de l’Algérie, peu de temps avant un violent harcèlement des postes frontières à coups de mortiers de 120 mm.
A côté de ces spécialistes, les appelés composent l’essentiel de la demi brigade de fusiliers marin de 1956 à 1962.
La création de cette unité par le capitaine de vaisseau PONCHARDIER consacre les effets des décrets d’avril 1956 sur l’organisation de la Marine en algérie. Composée d’un état major, d’une compagnie de commandement et de services, et trois bataillons, d’une batterie d’artillerie et d’une escadrille de l’aviation navale (la 54 S), elle totalise 3480 hommes. Son affectation est le secteur de Nemours dans l’Ouest oranais : c’est un secteur à la fois côtier et stratégique à la frontière avec le Maroc, mais qu’il faut reconquérir. Dés son arrivée, en juin 1956, la demi-brigade de fusiliers marins ratisse le triangle Nedromah/Nemours/prt Say. Puis c’est la découverte du réseau de l’organisation politique et administrative du FLN. Mais les épurations chroniques au sein des mouvements « rebelles » obligent cependant à renouveler régulièrement les agents infiltrés au sein de l’organisation. Quatre services de renseignement fonctionnent auprès de l’unité : le Deuxième bureau, la gendarmerie maritime, le centre de coordination interarmées et un détachement opérationnel de protection. Des perfectionnements sont encore apportes au barrage pour contenir une pression extérieure estimée en 1961 à 10000 hommes. Un poste de commandement est installé sur une hauteur dans le noman’s land : le repérage de l’origine des tirs s’en trouve amélioré. Des avions de l’aéronavale MD 311 équipés de missiles AS 12 interviennent contre des partis de l’ALN qui n’envisagent plus que des actions de harcèlement. La stratégie d’encagement est donc un succès. Enfin la marine assure le fonctionnement de centre comme Siroco, prés d’Alger, ou le centre des opérations amphibies d’Arzew. Tous les deux ont pour mission d’améliorer la formation des personnels, de la seule Marine pour l’un, des trois armées pour l’autres. Créé en 1943, le centre de Siroco a ainsi préparé les fusiliers marins à leur mission de combattant à terre et sur mer, en même temps qu’il a constitué une compagnie d’intervention pour le quartier de Cap Matifou. Certaines opérations ont donc eu pour objectifs, après le bouclage de la zone, de détruire des bandes signalées, à la récupération du matériel et de l’armement, le contrôle de la population des douars et l’arrestation des suspects et le recueil des renseignements. Les populations rurales victimes des exactions de l’Armées de libération nationale dovent enfin être rassurées. Les commandants de Siroco ont très tôt eu conscience de la distinction essentielle entre opérations de maintien de l’ordre et activités strictement opérationnelles (guerre dans le djebel, guerre en milieu urbain, guerre subversive, etc.). Le rôle des commandos y est justement développé et un brevet de spécialité créé. Pour assurer la formation des personnels, Sirocco doit créer un centre d’instruction des relèves et a bien de la peine à faire face à la demande vu la faiblesse de ses moyens, selon le capitaine de frégate Ortolan, son chef en 1960 : « Il n’est pas possible de faire en si peu de temps (de six à huit semaines) des combattants de choc. » En effet , le centre reçoit, cette année-là, 1132 matelots. Au total, entre le 16 juillet 1956, date de l’ouverture du premier stage, et le 1 juillet 1962, terme de la 35 session, 9000 stagiaires ont été formés, car les besoins des unités à terre sont de 360 hommes tous les deux mois. Entre mai et juillet 1962, la Marine aura la charge d’évacuer la population d’origine européenne ou ralliée vers la France, lorsque la flotte marchande ne pourra plus suffire. Ne subsisteras plus jusqu’en 1967 de la présence française en Algérie que la base navale de Mers el-Kébir. Elle aura donc eu le premier et le dernier mot dans cette histoire de l’Algérie française commencé en 1830.
DOCUMENT ARMEES D’AUJOURD’HUI n° 272 juillet
–
août 2002
PATRICK BOUREILLE
Service Historique de la Marine
![]() |
L'AERONAUTIQUE NAVALE EN ALGERIE
|
http://perso.wanadoo.fr/ardhan/s_ouvrages/ALGR.htm
Bône À Bône, la CP 8T, qui fut remplacée en
novembre 1955 par la CPA 2, fut initialement chargée d'assurer, outre
la police du port, la garde de deux points sensibles situés à
l'extérieur de la ville, le sémaphore du cap de Garde et le terrain
d'aviation de Bône-les-Salines où deux éléments de protection étaient
stationnés en permanence. Celui de l'aérodrome ne tarda pas d'ailleurs
à se distinguer dans la nuit du 9 au 10 février 1956 en repoussant une
attaque rebelle. Le même jour, le sémaphore du cap Rosa, qui n'était
pas défendu, fut également attaqué et endommagé, aussi le commandement
décida-t-il d'en confier la garde à la CPA 2. Dès le 17 février, un
groupe y fut détaché, relevé tous les mois par une rotation du LCM du
CIOA, affecté au port de Bône. En dehors de ces missions de garde, le
personnel de la compagnie participait également au maintien de l'ordre
dans l'agglomération bônoise. En juillet et août 1956, ses patrouilles
en ville arrêtèrent cinq suspects et saisirent un pistolet automatique. Le mois d'avril 1957 fut marqué par deux
engagements notables. Le 23, participant à une opération de bouclage
ratissage montée sur renseignements dans la banlieue de Bône pour
tenter de mettre hors de combat une bande responsable de plusieurs attentats, une
section renforcée de la compagnie accrocha un groupe de sept ou huit rebelles
et en abattit trois, dont identifiés comme responsables d'assassinats
recherchés par la police. ,une corvée de quatre hommes, commandée par
un quartier-maître qui avait quitté le phare du cap Rosa pour aller
chercher de l'eau à l'oued voisin se heurta, vers 16 heures, à un
groupe d'une dizaine de rebelles. Au de l'échange de coups de feu qui
s'ensuivit, un matelot fut tué d'une rafale et son arme enlevée tandis
que le reste de la troupe se repliait sur le qui donna l'alerte. Une
section de chasseurs alpins transportée depuis la Calle par les
lamparos de la 45e SPL et un détachement de la CPA 2 embarqué sur le Coutelas * (PHOTOS Eric Bonhomme) rallièrent le cap Rosa avant la tombée de
la nuit, il était trop tard pour pouvoir espérer rattraper les
fellaghas. Les renforts restèrent néanmoins en protection du phare
pour la nuit. En février 1958, la CPA 2, débarquée et
soutenue par la Dague, fut engagée dans une opération de
ratissage entre La Calle et la frontière tunisienne, aux environs du
cap Roux et de la plage de la Messida, et entre La Vieille Calle et
l'embouchure du lac Mellah. Au cours des mois suivants, elle participa
à plusieurs fouilles de terrain et contrôles de population. En
décembre, une de ses sections prit part à une opération au cours de
laquelle les rebelles perdirent huit tués, dix prisonniers et sept
armes de guerre, puis elle fut envoyée, du 26 au 30, en protection de
la mine de Aïn Barbar, située à proximité de la côte, entre Bône et
Herbillon. Au cours de cette mission, la section effectua plusieurs
ouvertures de routes et des contrôles de population, tendit quelques
embuscades et arrêta sept suspects. En janvier
1959, lors d'une opération dans la région du cap de Garde, un gendarme
du FLN, armé d’un pistolet automatique, fut mis hors de combat par un
groupe de la CPA 2. En février, la compagnie participa à trois
opérations de secteur et à une relève du cap Rosa mettant en oeuvre un
chasseur, un LCM, deux lamparos, un T6 et un groupe de démineurs du
Génie. En mars, elle fut engagée dans une opération près du lac
Fetzara, au cours de laquelle sept rebelles furent tués, douze suspects
arrêtés et neuf armes de guerre saisies. En mai, la section
d'intervention arrêta cinq suspects, découvrit un dépôt de
ravitaillement et captura six recrues du FLN. Elle participa, le mois
suivant à deux opérations de secteur qui coûtèrent aux rebellés
vingt-quatre tués et vingt-deux armes, puis prit part à l'interception
d'une bande qui avait franchi le barrage et qui perdit dans l'affaire
trente et un tués, quinze prisonniers, quarante-cinq armes et trois
postes de radio. En juillet 1959, la compagnie de protection
de Bône fut rebaptisée CPA 4. Au cours des douze mois suivants, outre
les relèves et ravitaillements mensuels de la garde du cap Rosa, elle
effectua une vingtaine de missions de reconnaissance et de contrôle de
population et participa à environ autant d'opérations de secteur ou de
quartier dans les régions d'Herbillon et de Duzerville et dans le
massif de l'Edough. À la fin de l'année, elle vit ses effectifs
augmentés par le recrutement de dix-neuf harkis. Le 31 décembre 1959,
elle fut engagée dans le voisinage du cap Rosa aux côtés du commando de
La Calle dans un raid de recherche de renseignements. Le bilan de la
compagnie pour le semestre écoulé s'élevait à sept rebelles tués, dix
suspects arrêtés et sept armes récupérées, mais, par la suite,
l'activité de la CPA 4 devint de moins en moins opérationnelle et se
réduisit à la garde des points sensibles. Au début de l'année 1962, le
détachement du cap Rosa fut supprimé, le phare ayant été évacué par
les Travaux Publics.
Bonjour, J'ai visité avec intérêt votre site par le hasard de la recherche, car je fait des recherches sur le bâtiment de guerre ou mon père avait fait ses classes. En effet vous en parlez dans un article de votre site, il s'agit du patrouilleur "le Coutelas". Je vous joint une carte photo du fameux bateau pouvant peut-être alimenter votre site, ainsi qu'une photo de mon père (ne sait-on jamais, peut être l'avez-vous rencontrer là-bas). Bien cordialement, Éric Bonhomme Bonsoir, Je ne vous répond que maintenant, je suis désolé mais je manque de temps en ce moment. J'ai donc trois photos à vous envoyer. Sur les 3 photos, 2 sont identifier mais pour la troisième j'ai un doute donc j'y ai mis la note (à identifier). Je pense que vous n'aurez aucun problème à l'identifier. Je souhaite longue vie à votre site. Bien cordialement, Eric Bonhomme.
"aimablement communiqué par Photo Marius Bar - Toulon - cote A05324 |
Bâtiment de Guerre à quai à Bône
40 - D'après le
livre de l'AMIRAL Alex WASSILIEF Depuis deux ans, je dirige le « Service intérieur » de la base de d'aéronautique navale d'Hyères. Les pilotes ont
adopté « le rampant » que je suis,
mais je n'aspire qu'à une chose :
retourner à la mer.
-Vous ne serez pas muté avant octobre, m'a prévenu un
officier de la direction du
personnel. C’est dimanche. Je
paresse dans mon lit, lorsque ma femme arrive, le journal à la main. - tu es désigné, mon chéri, pour Bône. - ça c'est trop
fort, fais voir ! Je saute du lit.
Je viens de passer deux ans à terre et au lieu de m’embarquer en escadre,
ce qui ne serait que justice, voilà qu'ils m’envoient dans un trou
perdu et à terre par-dessus le marché. Si nous étions au temps des
rois, je parlerais de disgrâce !
Mais enfin qu'ai-je donc fait
pour qu'on me donne un poste pareil, le petit coin tranquille pour officiers
en fin de carrière alors que j'ai été promu corvettard dans les tout pre -
Comment ! Vous êtes déjà là? Je viens d'envoyer un planton chez vous, il n'y a pas
cinq minutes... - J’ai vu ma désignation
dans le journal, charmant !
- Oui , le service de Presse de Paris leur passe les
dépêches directement. Tenez,
voici le texte officiel. Je lis
« Ralliera immédiatement ». Je relève la tête : - ça veut dire ? - Que vous prenez
l'avion demain. Un DC3 qui décolle de Cuers. Il s interrompt et se lève - Mes respects,
amiral.
- Amiral !
-- Oui, mon vieux. - Je viens d'apprendre ma désignation
pour Marine Bône. Je vous serais reconnaissant d'intervenir
pour faire annuler cette désignation, que j'estime injuste. Il a déjà allumé une nouvelle cigarette
à son mégot. - Diable, c'est ennuyeux. Voyez-vous,
j'ai bien peur d'étre responsable. - De mon envoi à Bône ? Je suis absolument sidéré : il est bien
le dernier que j'aurais cru capable de me jouer un tour pareil. - Oui, les événements en Algérie sont
en train d'évoluer très vite. Nous venons d'expédier à Bône deux
escorteurs, car la contrebande d'armes est à craindre. Vous voyez, cela
recommence comme en Indo. J'ai demandé qu'on y envoie rapidement un
corvettard dynamique et au courant des opérations à terre, car le
gouvernement rappelle une ou deux classes, et des compagnies de
fusiliers marins seront constituées. Il faut organiser tout cela.
J'ignorais que vous aviez été choisi. Mais je comprends très bien. Je
vais demander qu'un autre officier... - Allons, amiral, ne me taquinez pas.
Si c'est ainsi, vous pensez bien... Au large, le droit international nous
rend pratiquement impuissants. Pas question de fouiller un cargo en
dehors des eaux territoriales, même s'il va d'Égypte au
Maroc et que les matelots font des gestes obscènes à l'égard de nos
patrouilleurs. Pourquoi donc se risqueraient-ils à
débarquer des armes sur les côtes d'Algérie, alors qu'ils peuvent les
décharger en toute quiétude à Casablanca ? Nos escorteurs patrouillent donc en
vain, rasant le rivage, inspectant la moindre anse et les
avions de l'aéronavale (mes copains de Hyères, basés sur l'aérodrome
des Salines) cherchent sans désemparer les navires suspects...
Mais tout ceci n'est rien à côté de ce
qui se passe à terre Les pieds noirs, fous de rage devant les
atrocités commises, et à présent quasi quotidiennes... (on le serait à moins
!) réclament une répression énergique. Le gouvernement tergiverse.
Pardon ! Ce n'est pas S'agit-il d'assurer la sécurité du port
de commerce, qui est confiée aux marins ? Les premières mesures que je
préconise : strict contrôle aux entrées, fouilles des voitures et des
bagages, etc., soulèvent un tollé de protestations : il ne faut pas
importuner messieurs les passagers ! Militaires, débrouillez-vous mais
n'embêtez personne ! Comme ces constatations ne m'inclinent
guère à l'optimisme, je me plonge jusqu'au cou dans mon travail : c'est
le meilleur dérivatif. Après tout, je suis simplement de ceux qui ont à
gagner la guerre sur le terrain, ce qui dans n'importe quelle hypothèse
ne peut être que bénéfique. Voilà mes rappelés qui rappliquent,
destinés aux compagnies de protection : le moins qu'on puisse en dire,
c'est que l'enthousiasme ne les étouffe pas. Grâce au travail de Romain
de Bethoritz, mon adjoint, un sympathique officier des équipages,
excellent marin, couvert de citations, les locaux sont enfin prêts à
recevoir les réservistes. Ceux-ci ont un peu fait les imbéciles au
cours de leur trajet en chemin de fer. Pendant une halte, non contents
d'émettre les doutes traditionnels sur la vertu de la femme du chef de
gare, ils ont jeté une grenade sur le quai... Oh! pas celles,
meurtrières, que les fellaghas lancent en ville, principalement dans
les cafés maures, non une simple grenade d'exercice. Mais le
fonctionnaire, furieux de voir sa digne épouse accusée d'adultère, en a
fait tout un plat, exigeant des sanctions pour les matelots et une
citation pour lui-même ! - Bethoritz, mon vieux. Si nous ne les
reprenons pas en main immédiatement, nous sommes fichus... -- Oui, mais qui punir? Ils sont cent. Ce brave homme, qui s'est conduit en
héros sur les corvettes de - Un : tout le monde est consigné à la
caserne jusqu'à ce que les coupables se dénoncent. Deux : préparez-moi
des sacs dorsaux remplis de cailloux. Trois : demain matin à sept
heures, marche forcée Jusqu'au cap de Garde et retour. Cela
fait bien vingt bornes et l'on commencera tous les jours jusqu'à ce que
les auteurs de cette Deux jours, deux marches forcées. Au
retour les hommes se jettent sur leur repas - j'ai veillé à ce que la
soupe soit excellente -- et s'endorment comme des masses, mais
personne ne souffle mot. - Je crains que ta méthode n'ait pas
beaucoup de succès, déclare Bob, mon officier d'opérations. Maurice de Ritterstein, dit Bob (on se
demande bien pourquoi), est un lieutenant de vaisseau suprêmement
distingué, raffiné et précieux, croulant sous les quartiers de noblesse
et embaumant de parfums coûteux. Sous ses airs de petit marquis, c'est
pourtant un pilote extraordinaire, d'une audace tranquille. A lui seul
c'est l'état-major opérationnel car Bethoritz se consacre à la
bouftance, pardon 1 à la logistique. Nous en sommes au troisième jour d'attente. Dans peu de temps mes lascars seront de retour de leur promenade de santé quotidienne. - Waroubtzeff, venez dans mon
bureau. C'est le commandant qui m'appelle par
l'interphone. Le capitaine de frégate Gabert était en train d'achever
une très honnête carrière dans ce « consulat de la marine » lorsque les
événements ont éclaté. Excellent marin, officier de valeur, il n'a
malheureusement jamais eu l'occasion de se distinguer. Dénué
d'ambition, il attend avec philosophie l'heure de la retraite. Aujourd'hui, les multiples activités
nouvelles de son secteur le déconcertent quelque peu ; et il m'a laissé
carte blanche. Au fond, il m'utilise très astucieusement, en rectifiant
le tir au moment opportun. - Vous ne pouvez plus garder vos gens
consignés et leur infliger ces marches forcées journalières, me dit
Gabert. Le médecin est déjà venu se plaindre. Je crains qu'ils ne
finissent par se rebiffer plus sérieusement. Après tout, c'est une
blague de collégien, cette grenade d'exercice. J'ai pris ma décision :
ce soir ils seront déconsignés. - Sous quel prétexte, je veux dire,
quelle raison donnerons-nous à ce geste ?... - Le chef a le droit de clémence, voilà
! - Bien commandant, à vos ordres ! Je sors pas content, mais alors pas
content du tout. En regardant par la fenêtre, je vois la compagnie qui
entre dans la cour. Descendant l'escalier quatre à quatre, je me
retrouve « sur le front des troupes ». - A mon commandement, garde à vous ! L'ordre est exécuté avec une évidente
mauvaise volonté. - Autant ! Repos. Ga... a... arde à vous! C'est un peu mieux. Pendant une dizaine
de minutes, je leur dispense les joies de l'ordre serré... Lorsque je
juge leurs manoeuvres correctes, je m'adresse à eux - La plaisanterie a assez duré. Ou bien
le coupable se dénonce à présent et je vous promets que l'affaire
n'aura aucune suite judiciaire. Ou bien vous persistez à faire les
imbéciles et alors... J'ai vraiment joué le tout pour le tout
: si cela rate, je n'aurai plus qu'à m'en aller l'oreille basse... - Je vous donne exactement soixante
secondes. Mon coeur bat si fort que j'ai
l'impression que mes lascars l'entendent. Plus que dix secondes, plus
que cinq, on dirait un jeu télévisé. Un homme sort des rangs... - C'est moi, commandant ! - Bien ! Vous aurez huit jours de salle
de police pour « laisser tomber à terre par négligence du matériel de
peu de valeur ». Je considère que vous en avez déjà fait trois. Faites
rompre. Permissionnaires dans une heure. Les gars se dispersent tout joyeux ;
ils ne pensent qu'à goûter les délices de la vie nocturne bônoise
! Je crois qu'au bridge on appelle cela
une impasse. Les jours passent et mes rappelés font
leur travail très consciencieusement. Une espèce d'esprit de corps se
forge même chez eux. Je l'ai constaté avec plaisir lors d'un match de
football contre un escorteur toute la compagnie était là, hurlant des
encouragements. Quant aux événements, ils se
précipitent. Tous les renseignements concordent : pour la Toussaint,
les rebelles vont attaquer en masse et dans la ville même. Ma compagnie
de protection, mal aguerrie monopolisée par des gardes statiques - elle
n'a pratiquement pas participé à la moindre opération -, constitue la
principale force militaire dans Bône. En dehors de cela, rien
ou presque. - En raclant le fond des tiroirs et
tous les bureaux, j'ai pu mettre sur pied deux sections, pas plus, a
déclaré le colonel, commandant d'armes, un vieux ronchon distingué qui
n'aime pas les marins (pourquoi ?) mais qui m'honore d'une
condescendante bienveillance parce que j'ai été cavalier. Pendant que les Européens s'arment et
s'enferment à double tour la nuit, tous les tracts diffusés par les
fellagha appellent la population arabe au carnage, promettent le
massacre de tous les Français et mille autres gâteries concernant leurs
épouses. Et voici que le croiseur amiral de
l'escadre de la Méditerranée fait son entrée dans le port. Sur le pont,
cent, deux cents « bérets verts » en tenue camouflée : les commandos
marine, enfin ! Une foule nombreuse suit la manoeuvre
d'accostage. Je monte à bord, délégué par mon commandant pour saluer le
grand chef et lui demander à quelle heure mon pacha pourra lui faire
une visite - Quand est-ce que les commandos vont
débarquer ? - Pour le moment, il n'est pas question
qu'ils débarquent, vous comprendrez rapidement pourquoi... En fin de journée, l'état-major au
grand complet derrière son chef, le colonel et le capitaine de frégate
Gabert, assistent à la cérémonie des couleurs. La musique joue la Marseillaise puis les « bérets verts » défilent sur la
plage arrière avant de disparaître dans les entrailles du croiseur. Le quai est noir de monde, encore plus
d'Arabes que de Français. Des milliers de spectateurs assistent à ce «
show ». Car c'en est un pendant le défilé des « commandos », j'ai bien
cru reconnaître trois cuisiniers, deux commis, des fourriers, des
timoniers, et je commence à comprendre. L'officier qui commande cette
troupe d'élite (!) - un vrai fusilier celui-là - me le confirme
d'ailleurs peu après. - Des fusiliers commandos, vous voulez
rire ? On a ramassé tous les disponibles jusqu'au dernier des
gargouillots, pour faire nombre ! C'est une idée de l'amiral. Elle est excellente, l'idée de l'amiral
car les petits yaouled, qui ouvraient de grands yeux tout à l'heure,
ont tôt fait de répandre la nouvelle jusqu'au fin fond des médinas. Le
lendemain, la sûreté, les renseignements généraux, le deuxième bureau
et tutti quanti sont unanimes - Tous les éléments dangereux dont nous
avions décelé la présence en ville se sont évaporés dans la nature. - Gloire aux gargouillots, déguisés en commandos, qui ont sauvé la ville.
Quelques jours plus
tard, cela va encore beaucoup mieux : un régiment de parachutistes
coloniaux s'installe à la citadelle. Le
jeune lieutenant-colonel qui le commande a un nom qui commence à courir
sur les lèvres : Bigeard. Les alentours de la ville sont rapidement
nettoyés et la population respire... Un soir, alerte ! La mairie
d'Herbillon, minuscule port de pêche au nord de Bône, appelle à l'aide.
C'est un petit village encastré dans les rochers. Pour y accéder, une
seule route, qui traverse le massif boisé de l'Edough. Envoyer des
renforts de nuit par cet itinéraire, c'est risquer à coup sûr de tomber
dans une embuscade. Seul moyen de les secourir : y aller par mer. Or je
n'ai rien sous la main. Il pleut à verse, un vent de cornecul :
pas question d'une intervention aérienne de nuit : la
montagne qui domine Herbillon est noyée Je convoque le maitre principal de
manoeuvre qui commande les vedettes. Il n'hésite pas une seconde - S'il faut y aller, on ira! Je m'équipe rapidement et m'apprête à
monter à bord ; les paras sont déjà embarqués et chantent. Une voix
derrière moi dans la nuit - Où allez-vous ainsi ? Je me retourne, c'est le capitaine de
frégate Gabert. - Je vais avec eux, commandant, bien
entendu. Je n'ai pas l'habitude d'envoyer mes gars se faire casser la
gueule sans être à leur tête. - Je vous l'interdis. Le capitaine des
parachutistes est là ; c'est suffisant. Pour toute réponse, je lui tourne le
dos. Il m'empoigne par le bras avec une force qui me surprend et crie - Vous allez obéir. Vous n'êtes plus un
midship pour jouer au petit soldat. C'est un ordre ! Avant que j'aie le temps de répondre,
Ritterstein pose sa main sur mon épaule - Il est temps que tu t'y fasses,
André. Tu es officier supérieur à présent. Si tu étais tué, ce serait
un succès pour les fellagha. Qu'il aille au diable, mais il a
raison. Me voilà condamné à faire la guerre derrière un micro.
Brusquement, je me sens vieux. Et ce genre de campagne au bout d'un
téléphone et avec un stylo pour arme ne mérite pas d'être raconté.
|
![]() |
HistoireDeuxième d’une série de 12 navires.
Sister-ships : CHARLES QUINT (1880), SAINT AUGUSTIN (1880), MOISE
(1880), VILLE DE MADRID (1880), VILLE DE BONE (1880), VILLE DE
BARCELONE (1880), ABD EL KADER (1880), ISAAC PEREIRE (1880), KLEBER
(1880), VILLE DE ROME (1881), VILLE DE NAPLES (1882). http://www.frenchlines.com/ship_fr_474.php
|
Les Harkis au Service de la France Par Monsieur Bachaga Boualam aux éditions France – Empire. Les Harkis
Fusiliers Marins. En Juillet 1957, l’histoire des Harkis de la D.B.F.M. (demi-brigade de fusiliers marins) commençait dans des circonstances particulièrement dramatique. A cette époque, seul un très petit nombre de harkas avait été créé en Algérie. En Oranie, dans la région de Nemours, secteur de la D.B.F.M., on n’envisageait pas dans l’immédiat, la création, quand un jour, une bande F.N.L. massacra tous les habitants d’un petit village de la région qui refusait d’obéir à ses ordres. La nouvelle du massacre se répandit comme une traînée de poudre et les habitants de plusieurs villages vinrent se placer sous la protection des fusiliers marins. Le « patron » de la D.B.F.M. créa d’abord un village pour ces familles, puis une harka dans laquelle servirent tous les volontaires de 18 à 60 ans et à qui on remit des armes. Cette première harka d’Oranie fut dès lors employée sans relâche aux côtés de fusiliers marins et ses hommes furent toujours d’une loyauté exemplaire (il n’y eut que deux désertions en quatre ans). Voici ce que m’a dit un de leurs officiers : «Utilisés surtout comme pisteurs ou comme guetteurs, les harkis nous ont rendu d’inestimables services. Ils ont repéré et nous ont permis d’anéantir dans les monts de Tiemcen plus d’une bande rebelle qui, le plus souvent, venait de franchir la frontière marocaine. Le moindre indice, trace de pas sur un sentier, herbe foulée, branche cassée, cendres, étaient pour nos harkis le départ d’une piste. Nous n’avions plus alors qu’à les suivre en essayant d’être aussi silencieux, aussi attentifs qu’ils l’étaient eux-mêmes. Ils marchaient quelquefois très longtemps, s’arrêtant de temps en temps pour vérifier si la piste était toujours bonne. Il leur arrivait d’hésiter, ne trouvant plus d’indice leur permettant de continuer en étant sûrs de leur direction. Le guide faisait alors, au reste de la colonne, signe de ne pas bouger et s’avançait seul sur la piste. Il allait très loin quelquefois, s’avançant dans les fourrés, montant sur une légère hauteur, puis il revenait sur ses pas et la progression reprenait. Il avait enfin trouvé la trace des rebelles. Lorsque enfin, souvent après plusieurs heures de marche, la nuit surtout, nous approchions de l’ennemi, le guide s’arrêtait encore et s’adressant à voix basse à son chef : « ils sont là ». Il venait de sentir la présence des fellagha, mais son rôle n’étant pas terminé, car les guides se chargeaient aussi très souvent de neutraliser les sentinelles veillant sur le bivouac et ils étaient toujours avec le voltigeur au moment de l’assaut ». Trop de liens, trop de souvenirs, trop de morts musulmans et européens tombés côte à côte, attachaient après quatre ans de guerre les fusiliers marins à leurs harkis. Aussi, après le cessez-le-feu, la D.B.F.M. apprit qu’elle allait quitter le secteur, ne fut il pas question, un seul instant, d’abandonner les harkis, leurs familles et les civils musulmans qui leur avaient fait confiance. Près de six cent personnes furent repliées sur Nemours, d’abord, puis sur la base de Mers-el-Kebir. En France, rien n’était encore prêt pour les accueillir. Le commandement militaire en Algérie, surtout, assurait que les harkis ne courraient aucun risque, donc le problème de leur rapatriement ne se posait pas. Malgré cela, le commandant de la D.B.F.M, fermement décidé à ne pas abandonner ses hommes, insista auprès de ses supérieurs pour que leur rapatriement soit autorisé. Il le fut. La D.B.F.M. organisa alors, sans perdre une journée, le transport de ses harkis vers la métropole, sur des bâtiments de la Marine de guerre, et leur accueil en France, au camp de Larzac, ou ils furent provisoirement hébergés. Ils étaient alors toujours commandés par leurs cadres militaires. C’est à ce moment là, en mars 1962, que fut créée « l’Association des Anciens de la D.B.F.M. » dont le le seul but est de s’occuper des harkis rapatriés. Cette association obtint très vite les résultats remarquables : « Toute la Marine et l’Amiral lui-même nous ont aidés dans cette tâche, a précisé son président, ancien officier des fusiliers marins. En quelques mois, une collecte effectuée sur tous les navires, dans toutes les bases, a rapportée plus de 40 millions d’anciens francs et des moyens matériels important ont été mis à la disposition de l’association. Son premier travail consistait à résoudre le problème du recasement, en tenant compte de ce que les musulmans ont besoin de vivre groupés pour ne pas se sentir dépaysés et pour se garantir des représailles du F.N.L. Les solutions de reclassement dans l’agriculture furent abandonnées. Il aurait fallu trop de temps et trop d’argent pour que les terres en friche de la Lozère, de l’Ardèche, du Roussillon ou de Corse deviennent rentables. La solution recherchée pourra être trouvée à l’Argentière ou une mine de plomb argentifère doit être mise en exploitation très prochainement. L’association a achetée un terrain à Rocles, près de l’Argentière, sur lequel des logements en dur, construits par les harkis eux-mêmes, remplacent les tentes de l’Armée qui les avaient abrités pendant quelques temps. Les plans de 55 logements (F4 et F5) ont été exécutés gratuitement par une société parisienne. L e problème scolaire, lui aussi a été réglé : une classe supplémentaire créée et les petits musulmans fréquentent l’école de l’Argentière. La municipalité de Neuilly sur Seine, marraine de la D.B.F.M. en Algérie, a aidé elle aussi les anciens harkis. Elle a pris les enfants dans ses colonies de vacances et pour Noël, elle a envoyé des jouets, des fournitures scolaires et, à chaque enfant, une valise pleine de vêtements. Sur le terrain acheté à Rhocles, il y a une vieille ferme restaurée qui sert de centre d’accueil, car chaque jour, de ces camps disséminés en France, arrivent des harkis de la D.B.F.M…. et d’autres aussi. Document aimablement confié par Serge
Le Monchois. ANECDOTES PERSONNELLES : « Le Patron » de la D.B.F.M. était à cette époque (juillet 1957) le Capitaine de Vaisseau Vivier, qui avait succédé au Capitaine de Vaisseau Ponchardier, promu au grade d’Amiral. Décédé dans un accident d’avion, l’Amiral Ponchardier est enterré au cimetière de Villefranche sur Mer. Un quai du port porte son nom : Quai Amiral Ponchardier. La D.B.F.M. fut citée comme une des meilleures unités combattantes de la guerre d’Algérie. Serge Le Monchois revendique l’honneur d’y avoir servi sous les ordres de Ponchardier et de Vivier. Un seul harki ne pu être sauvé, déjà embarqué sur un bâtiment de la Marine, il décide de descendre à terre pour récupérer un poste transistor oublié. L’armée du F.N.L. étant déjà sur les lieux, le fit prisonnier et l’égorgea sur la place de Nemours. CONCLUSIONS PERSONNELLES : Quelque soit sa « spé », tout marin de la « Royale » peut aller à une cérémonie de harki la tête haute et en gardant une petite pensée aux Fusiliers Marins qui laissèrent 240 morts dans cette triste guerre.
Section de NICE
- CÔTE d’AZUR |
Depuis 2001, le président de la République a instauré le 25 septembre comme Journée nationale d'hommage aux Harkis. Cette année, rendez-vous était donné à Largentière, terre d'accueil Cette année, à Largentière, en Ardèche,
un détachement de la compagnie de fusiliers de Nîmes Garons, le drapeau
de la demi-brigade de fusiliers marins (DBFM) et sa garde de la
compagnie de fusiliers marins de Cherbourg se sont retrouvés pour une
cérémonie au cours de laquelle a été lu le discours de M. Hamlaoui
Mekachera, ministre délégué aux Anciens Combattants. Puis, les
autorités civiles et militaires, dont le contre-amiral Pierre Martinez,
commandant la force maritime des fusiliers marins et commandos, ont
salué les drapeaux des associations patriotiques présentes. Cette
cérémonie a été suivie d'une réception à la mairie et d'un méchoui au
quartier Volpilliaire, où jeunes et moins jeunes fusiliers marins ont
pu apprécier le traditionel accueil que leur ont réservé les Harkis et
leurs familles.
Le rapatriement_ En 1962, la souveraineté française en
Algérie est fortement remise en cause par l'enlisement de la guerre civile. La signature
du cessez-le-feu officiel le 1B
mars et les garanties précaires des accords d'Evian ne parviennent pas
à ralentir l'exode des pieds-noirs vers les grandes villes littorales
puis vers la France. Étant donné la tournure des événements, la Marine
nationale prête main-forte aux opérations de rapatriement en organisant des
rotations entre les ports du sud de la France et les ports algériens
(dont Mers el-Kébir). Plusieurs
bâtiments, dont le porte-avions La Fayette et quatre bâtiments de débarquement de chars, viennent s'ajouter à ceux des compagnies privées de navigation maritime ne pouvant
plus faire face à un tel flux. Dans la nuit du 21 au 22 juin, le La Fayette
embarque plus de
1 100 Harkis et leurs familles, et appareille le 22 pour
Marseille. Dans sa lutte pour l'indépendance, l'Algérie
devient un théâtre L'engagement des Harkis _ Le sort des Harkis et supplétifs préoccupe de nombreux officiers de la Marine qui ont pu apprécier leur engagement à combattre aux côtés des marins, surtout au sein de la DBFM, dissoute en août 1962, après son repli dès la fin du mois d'avril sur Toulon [1e' et 2e bataillons) et Mers el-Kébir (3e bataillon). Constituée en avril 1956 et placée sous les ordres du capitaine de vaisseau Ponchardier, la DBFM, dont les éléments sont formés au centre Siroco [école des fusiliers], comprenait trois bataillons à quatre compagnies pour un total de 3 000 hommes. Sa mission consistait notamment à prendre le contrôle du secteur de Nemours et à en assurer la pacification. Pour ce faire, la DBFM a intégré dans ses rangs des Harkis qui se battaient aux côtés des soldats métropolitains. Largentière, terre d'accueil Dans le but de venir en aide aux Harkis rapatriés, une association (Association amicale de la DBFM] est alors créée. Elle est placée sous le patronage du CEMM qui obtient du ministère des Armées l'autorisation d'y adhérer pour les officiers d'active. Après un regroupement dans un camp du Larzac, les Harkis et leurs familles sont installés en Ardèche, Drôme et Charente. Grâce aux dons récoltés par l'AADBFM, une cité baptisée Neuilly-Nemours est construite au profit des Harkis de la DBFM et de leurs familles, dans le quartier Volpilliaire sur la commune de Largentière. La région est choisie pour son climat et sa géographie rappelant l'Algérie. Plus de 280 personnes [68 familles) s'installent à Largentière. Aidées par un détachement de quelques marins dont la mission est de faciliter leur insertion, elles parviennent à trouver du travail, pour beaucoup d'entre elles à l'exploitation minière de la société Penarroya. Elles scolarisent leurs enfants dans les deux écoles que compte la cité Neuilly-Nemours. Rapide-ment, des maisons remplacent tentes militaires et baraquements, et le chantier est terminé en juillet 1963. Deux écoles, un dispensaire et, privilège rare, un cimetière musulman sont construits pour les Harkis. La France honore solennellement les Harkis et les autres membres des formations supplétives pour avoir servi avec loyauté la République, pour être restés fidèles à la France souvent jusqu'au sacrifice suprême. Ils méritent hautement la reconnaissance de la Nation,
Reconnaissance Le 9 juin 2001, une plaque portant l'inscription "Aux Harkis Marine — les fusiliers marins reconnaissants" est posée au centre du jardin public, à proximité de la mairie de Largentière. Le 22 juin 2002, une stèle est érigée en l'honneur des Harkis de la DBFM pour le quarantième anniversaire de leur rapatriement en France. À cette occasion, M. Mohammed Mouslim, président de l'Association régionale des Harkis et de leurs enfants [ARHE), a rappelé la signification de cette cérémonie : la reconnaissance de la Marine nationale envers ses Harkis et l'attachement de la communauté harkie à sa terre d'accueil, plus spécialement à la commune de Largentière. Depuis ce moment et grâce à l'initiative de l'ARHE et des anciens de la DBFM, un des premiers week-ends du mois de juin est l'occasion d'une rencontre chaleureuse entre les Harkis, et leurs familles, et les anciens fusiliers marins. Cette rencontre entre frères d'armes, baptisée Journée du souvenir, est aussi l'occasion d'organiser un traditionnel méchoui. Le maître fusilier Michel Faure au service des Harkis On ne peut pas parler des Harkis installés à Largentière sans évoquer un personnage d'envergure : le maître fusiller Michel Faure. Il faisait partie du détachement qui, après la dis- solution de la DBFM, a accompagné les Harkis à Largentière pour les aider dans leur installation dans la cité Neuilly-Nemours et les épauler dans leur insertion dans la société. Le 14 juillet 2003, devant de nombreux drapeaux et les plus hautes instances départementales, ce grand et modeste serviteur de la Nation était décoré par le général de division Bruno Chaix des insignes de commandeur dans l'ordre national de la Légion d'honneur. Le maître Michel Faure a fait plusieurs séjours en Indochine, dont le premier au sein de la fameuse compagnie Jaubert, et, par la suite, a servi pendant quatre ans à la demi-brigade de fusiliers marins en Algérie. Médaillé militaire, il est titulaire de six citations. Sa mission très particulière auprès des Harkis marins et de leurs familles a convaincu le maître Faure de continuer à les soutenir. Il a donc quitté la Marine pour rester auprès d'eux. • EV1 Hervé Allaire
Q COLS 3LEUS — N° 2805 OU 11 NOVEMBRE 2006 |
![]() ![]()
article la chartre mars avril 2011 |
Bricet Bernard en escale à Lorient le 06.08.62
ENCART BERNARD BRICET
|